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Le Spécialiste
14-10
11 juin 2014
www.lespecialiste.be
L'hépatite C, est-ce vraiment
un problème?
On estime que le nombre annuel de nou-
veaux cas a atteint un sommet en 1989
en raison de comportements à risque
élevé et d'un approvisionnement en sang
contaminé, puis aurait ensuite fortement
diminué grâce aux dépistages sanguins
(à partir de 1992) et aux efforts de pré-
vention. En 2013, environ 910 nouvelles
infections se seraient encore produites.
Ainsi, le nombre total d'infections a culminé
en 2003, avec 72.900 cas, pour diminuer
à 67.100 en 2013; il devrait s'abaisser à
47.700 en 2030. Un premier problème
réside dans le fait que 58% seulement des
patients sont au courant de leur infection.
Comme les injections de drogue par intra-
veineuse (27%) et les transfusions san-
guines (23%) sont les deux plus importants
facteurs de risque primaires d'infection par
le VHC (données de 2004) dans notre pays,
beaucoup de gens ne se sentent en effet pas
concernés. Or, 85% des hépatiques C passe-
ront à la chronicité et les lésions évolueront
à bas bruit pour aboutir à une cirrhose dans
10 à 20% des cas (après 20 à 30 ans). Pire,
1-5%/an de ces cirrhoses dégénéreront en
un carcinome hépatocellulaire (1).
En 2013, le nombre de cas de carcinomes
hépatocellulaires a été estimé à 300 et
devrait augmenter de 110% en 2030 si
l'on ne modifie pas notre approche des
infections par VHC. De même, le nombre
de décès liés à une infection par VHC aug-
mentera de 95% par rapport à une base de
290, soit 565 décès, tandis que le nombre
de cirrhoses décompensées et compen-
sées augmentera de 70% et 65% (respec-
tivement 820 et 7.060 cas en 2013) (2).
En pratique, le nombre de décès liés au VHC
est supérieur au nombre de décès liés au HIV
et plus de 8x supérieur à celui lié au VHB
(4,58/100.000/an, données US 2007) (3).
Première chose à faire: dépis-
ter les personnes infectées
Plusieurs groupes à risque sont identifiés,
notamment toutes les personnes nées
entre 1945 et 1960, les consommateurs
de drogues injectées, les professionnels
exposés au sang humain et... les per-
sonnes tatouées et/ou percées.
Généralement, l'hépatite C ne produit
aucun signe ou symptôme au cours de ses
premiers stades. Les porteurs sains n'en
restent pas moins susceptibles de trans-
mettre la maladie.
Le dépistage repose sur le dosage des
anticorps anti-VHC. Celui-ci présente
une forte valeur prédictive positive, mais
peut laisser passer des patients qui n'ont
pas encore développé d'anticorps, ou pré-
sentent un niveau d'anticorps insuffisant
pour pouvoir être détecté. C'est pourquoi
la recherche d'ARN viral devrait être pro-
posée lorsque la recherche d'anticorps est
négative, mais qu'il existe une suspicion
élevée d'hépatite C (en raison par exemple
de l'élévation des transaminases chez un
patient à risque). La recherche d'ARN est
recommandée pour tous les patients avec
des anticorps anti-VHC positifs.
Deux: améliorer le traitement
Le traitement de référence associait Peg-
interféron et ribavirine. Il devait être suivi
entre 6 mois et un an et ne permettait
de guérir que 50 à 75% des malades.
En outre, il provoquait souvent de nom-
breux effets secondaires (fatigue, anxiété,
troubles de l'appétit...). On y a ajouté dès
2011 une antiprotéase (ciblant spécifi-
quement le VHC). Les 2 premiers inhibi-
teurs de la protéase du VHC (telaprevir
et boceprevir), combinés avec l'interféron
pégylé et la ribavirine, ont augmenté de
20 à 25% le taux de réponse virologique
soutenue (RVS) par rapport à la bithérapie
pégylée chez des malades infectés par le
génotype 1 de l'HCV (qui représente 50%
des cas). Cet accroissement d'efficacité
était cependant obtenu au prix d'effets
indésirables (complications dermatolo-
giques, anémie...) et d'une mise en oeuvre
complexe liée à de nombreuses interac-
tions médicamenteuses.
De nouveaux antiviraux vont rempla-
cer ces 2 premiers agents. Le sofosbuvir
(un inhibiteur de la polymérase) et le
siméprévir sont arrivés en 2014. Suivront
notamment le daclatasvir, l'asunaprévir,
l'ombitasvir et le dasabivir. Certains de
ces agents ont été évalués et approuvés
en combinaison avec l'interféron alpha
et la ribavirine. Il était évidemment ten-
tant de tester des associations dépour-
vues d'interféron alpha, injectable et
grevé de nombreux effets secondaires. Par
exemple, l'association ombitasvir-dasabu-
vir-ribavirine, administrée durant 12 se-
maines, s'est montrée efficace (96,5% de
RVS) chez des patients infectés par le VHC
(génotype 1) non préalablement traités et
non cirrhotiques (étude SAPPHIRE-1) (4).
Dans SAPPHIRE-2 (5), l'association ombi-
tasvir-dasabuvir-ritonavir (12 semaines
de traitement) a atteint 96,3% de RVS
chez des patients avec une infection par
VHC de génotype 1 et aucune cirrhose,
mais qui avaient déjà été traités par peg-
interféron-ribavirine et avaient présenté
une rechute, une réponse partielle ou une
réponse nulle.
Selon Christophe Moreno, hépatologue
à l'Hôpital Erasme, les nouvelles combi-
naisons d'antiviraux sont très efficaces.
On peut atteindre 90 à 100% de patients
guéris (RVS) avec des régimes de traite-
ment beaucoup plus courts ­ entre 8 et
12 semaines ­ et plus simples d'adminis-
tration. Et elles ne provoquent que peu
d'effets secondaires, donc les patients
peuvent rester actifs et mener leur vie
normalement.
Impact attendu de ces
traitements
Ces nouveaux traitements auront naturel-
lement un impact positif sur les complica-
tions de l'hépatite C. Ainsi, selon les pro-
jections du CDA, porter la RVS à 85-90%
chez les patients
F2 (de 710 à 2.260)
âgés de 18-74 ans après 2018 entraîne-
rait une diminution de 50% de la morta-
lité liée au VHC et de 56% des cirrhoses
décompensées et des CHC en 2030. Un
retard ou une mise en oeuvre précoce des
nouveaux traitements de 2 ans impac-
terait négativement ou positivement de
16% la morbidité liée à l'HC.
Le principal inconvénient de ces nouveaux
traitements est leur coût, de l'ordre de
plusieurs dizaines de milliers d'euros. Les
analyses pharmacoéconomiques mon-
treront si leur surcoût est compensé par
les (coûteuses) hospitalisations liées aux
complications de l'hépatite C. Reste que
pour les patients, les avantages semblent
évidents.
Dr Jean-Yves Hindlet
Références
1. EASL guidelines. J of Hepatology 2014;60:394-
420.
2. H Razavi, et al. Journal of Viral Hepatitis
2014;21:34-59.
3. KN Ly, et al. Ann Int Med 2012;156:271-8.
4. JJ Feld, et al. NEJM 2014;370:1594-603.
5. S Zeuzem, et al. NEJM 2014;370:1604-14.
JS1197F
Plus qu'à la victime,
c'est au tueur que l'on
s'adresse désormais...
C'est indubitablement l'hépatite C qui a eu la vedette du
dernier congrès de la European Association for the Study of the
Liver
(Londres, avril). Plus précisément, ce sont ses nouveaux
traitements qui ont été sous les feux de la rampe. On ne se
contente désormais plus de soigner la maladie hépatique, mais
on vise l'éradication du virus. Selon les hépatologues, il s'agit
d'une véritable révolution. C'est aussi l'occasion de revenir sur
une infection assez mal connue.
VOTRE ACTUALITÉ MÉDICO-SCIENTIFIQUE
En pratique, le nombre
de décès liés au VHC est
supérieur au nombre de
décès liés au HIV et plus de
8x supérieur à celui lié au
VHB (4,58/100.000/an,
données US 2007) (3).