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I
Le Spécialiste
14-10
11 juin 2014
www.lespecialiste.be
R
oland Lemye ne renie pas le prin-
cipe même des accords médico-
mutualistes, gages de «coexistence
pacifique d'une médecine libérale et d'un
financement social»
. Mais il déplore que
de plus en plus de contraintes, e.a. bud-
gétaires, se fassent sentir, «intervenant en
cours d'accord et en dehors du cadre pré-
vu»
. Des obligations ayant par ailleurs ten-
dance à s'imposer aussi aux non-conven-
tionnés, bafouant la liberté d'engagement.
Le président de l'Absym embraie sur le
déséquilibre accru qui se crée à ses yeux
entre bancs médicaux et mutualistes. Pour
lui, les OA politisés ­ «désormais rejoints
par les mutualités libres»
­ utilisent leurs
relais pour obtenir ce qui n'a pas été
concédé en concertation par le corps
médical, se posent comme syndicats des
patients, estent en justice contre les mé-
decins sans l'aval des assurés... «Progres-
sivement, les mutuelles nous enferment
dans un carcan, voulant contrôler l'activité
médicale et la tarification des soins»
. La
goutte qui a fait déborder le vase, précise-
t-il, c'est la récente initiative de la mutua-
lité chrétienne d'interpeller directement
le public pour le pousser chez les conven-
tionnés (Medi-Sphere n°442). Moralité, le
système des accords est selon l'Absym
«arrivé au bout de ce qu'il pouvait donner».
Modération consentie
Ne se bornant plus au constat passif,
l'Absym a cette fois expédié à Jo De Cock,
l'administrateur général de l'Inami, une
révision en cinq pages du système de
négociation. Fil rouge: en revenir au prin-
cipe de base qui veut que, si les médecins
consentent à appliquer des honoraires en
dessous de la valeur réelle de leurs actes,
c'est pour des motifs sociaux, d'accessibi-
lité garantie. Partant, l'Absym imagine de
ranger les Belges en trois gros tiroirs, en
fonction de leurs rentrées, et de ne pas
verser dans le tarif sous-évalué pour les
patients aisés.
«Nous sommes prêts à continuer avec des
tarifs sociaux dans un cadre réservé aux
personnes à faibles revenus, bénéficiant
du régime préférentiel. Si on automatisait
l'octroi du statut Omnio, cela ferait déjà
quelque 30% des gens»
, commence Ro-
land Lemye. Les négociations en médico-
mut porteraient sur les tarifs à leur appli-
quer, auxquels se plieraient les médecins
sauf exigences particulières, les mutuelles
s'engageant à rembourser les tickets
modérateurs.
Pour les personnes qui ont jusqu'à 38.000
euros de rémunération brute imposable/
an ­ «soit le revenu moyen belge, un peu
au-delà du plafond du Màf, concernant
un autre tiers des gens»
­, il y aurait aussi
négociation autour d'honoraires plafond
(«déjà plus en rapport avec la valeur des
actes»
, glisse le président) avec un certain
ticket modérateur.
Montants plus réalistes
Pour les patients à plus hauts revenus,
enfin, l'Absym suggère que les honoraires
restent libres. Ils reflèteront la valeur réelle
de l'acte, en tenant compte des critères
propres aux médecins (longues études,
courte carrière, service rendu, pénibilité,
disponibilité, risque et responsabilité...),
seront en phase avec ce que touchent
d'autres professions (l'Absym cite les
avocats et leurs 150 et 250 /heure) et
variables en fonction de la situation des
patients, avec pour limite, nous dit Roland
Lemye, les règles déontologiques (*).
Pour appliquer ces tarifs différenciés,
l'Absym suggère que le patient possède
une carte indiquant sa catégorie, info que
le médecin pourrait vérifier en ligne. Il
ajoute qu'il peut y avoir une convention
parallèle entre OA et associations repré-
sentatives sur une intervention «à charge
des assurances complémentaires des mu-
tuelles pour les prestations insuffisamment
remboursées ou non remboursées»
.
Réceptivité des médecins
L'Absym avertit qu'il n'y aura pas de
futur accord sans prise en considération
des conditions qu'il expose. Jo de Cock a,
selon le syndicat, accusé réception de ce
pavé dans la marre médico-mutualiste et
indiqué l'inscrire à l'ordre du jour. Pot de
terre contre pot de fer? Démarche pro-
mettant l'Absym à l'isolement général?
Roland Lemye sent le corps médical prêt à
montrer les dents, irrité de se faire enfer-
mer dans des accords contraignants. «Je
ne suis pas un va-t-en-guerre. Mais à cer-
tains moments, il faut choisir entre guerre
et asservissement.»
Johanne Mathy
*
Le code (art.71) enjoint à la «modération» et la
«discrétion» dans la fixation des honoraires, en
considérant divers éléments dont «la situation
économique du patient».
MS8605F
Honoraires liés aux revenus:
l'
Absym
réinvente le système des accords
Qu'Absym et mutuelles soient comme chien et chat n'a rien
de nouveau. Le syndicat a souvent désavoué ce qu'il vit comme
des coups de force des secondes. Cette fois, il a franchi un cap.
Il pose des conditions à la poursuite des accords médico-mut
en soumettant à Jo De Cock, patron de l'Inami, un nouveau
dispositif. Celui-ci module la portée des accords et des obliga-
tions tarifaires selon le revenu des patients: des tarifs sociaux
négociés pour les précarisés, et des honoraires libres face aux
plus nantis...
VOTRE ACTUALITÉ SOCIO-PROFESSIONNELLE
Revendications correctrices, très «chat échaudé...»
L'Absym a assorti son modèle de tarification triple (lire ci-dessus) d'une
volée de revendications qui corrigent des habitudes non respectueuses des
partenaires médecins à et autour de la médico-mut. En vrac, pour le syndi-
cat, l'indexation annuelle doit faire l'objet d'une clause d'application auto-
matique. La médico-mut ne doit pas porter le chapeau quand des
économies sont décidées par le ministre de la Santé ou le gouvernement.
Toute modification budgétaire ou de conditions de pratique décrétée par
les politiques doit ouvrir la possibilité d'une dénonciation de l'accord (à
titre individuel ou par un syndicat). D'ailleurs, la possibilité de se désenga-
ger en tout temps moyennant préavis doit y être inscrite. Aucun document
traitant des budgets des médecins ou de leurs conditions d'exercice ne peut
être déposé où que ce soit en le prétendant issu de la médico-mut, sans
l'aval du banc médical. Les documents remis tardivement voire en séance
ne peuvent être votés sans donner aux médecins le temps de l'analyse. Il
doit y avoir octroi d'un statut social à tous proportionnellement aux obliga-
tions légalement imposées sur le plan des tarifs aux médecins non conven-
tionnés. Les besoins légitimes du corps médical dont le financement ne sera
pas accepté seront réputés sortant de l'accord et bénéficier de la liberté
d'honoraires. Enfin, il faut cesser le grignotage progressif du libre choix du
médecin (et de la possibilité d'en changer).
L'Absym avertit qu'il n'y aura pas de futur accord sans
prise en considération des conditions qu'il expose.