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I
Journal du Spécialiste
12-3
4 juillet 2012
www.jds-sk.be/fr
Comment la fonction de DRH
a-t-elle évolué au sein du sec-
teur hospitalier? Quelles sont, à
votre avis, les grandes tendances
marquantes de cette évolution?
Quand on vient comme moi de l'univers
marchand, la multiplicité et la diversité de
métiers que l'on peut rencontrer dans le
monde hospitalier, par delà les soignants, est
inimaginable. Quantité de candidats juristes,
économistes, informaticiens, ingénieurs,
électromécaniciens, etc. ne songent donc pas
spontanément à y postuler. C'est la raison pour
laquelle je me bats depuis plusieurs années,
tant au niveau de mes réseaux RH que du
marché de l'emploi, pour montrer que l'hôpital
est un monde crédible, attractif et passionnant
pour des personnes qui souhaitent changer
d'environnement de travail. A ce titre, participer
aux congrès, partager et échanger avec les RH
du secteur hospitalier et des autres secteurs, est
essentiel.
Je constate qu'il y a davantage d'intérêt pour
le monde hospitalier. Si l'objet social de
l'hôpital diffère de celui du monde marchand,
les techniques, le management et le leadership
s'y appliquent de façon assez similaire
. C'est
vrai pour les DRH, plus nombreux à venir de
grandes entreprises, mais aussi pour d'autres
professions, attirées par un environnement
certes complexe mais axé sur l'humain, la
qualité, le professionnalisme.
Un second facteur d'attractivité essentiel du
secteur hospitalier consiste dans la possibilité
de trouver le sens de son métier via le pouvoir
de décision, d'impulsion et la maîtrise des
projets: dans de nombreuses entreprises, le
pouvoir de décision est concentré à l'étranger,
si bien qu'on est parfois plus une courroie de
transmission qu'un acteur véritable, qui a une
valeur ajoutée pour l'institution, un impact
réel sur l'organisation.
Ces atouts peuvent contrebalancer l'impossibilité
pour l'hôpital de s'aligner sur les conditions
financières du monde marchand. Pour la
complexité et le niveau d'exigence requis,
ce différentiel
- imposé par les contraintes
financières et mesures d'économies budgétaires
- n'est, il faut le dire, pas totalement
justifié.
Car si l'argent ne fait pas tout, si les conditions
de travail, d'épanouissement personnel, de
développement sont cruciales dans la vie d'un
individu, il reste néanmoins que la tension entre
la rémunération et le niveau d'exigence ne peut
être trop forte.
La pénurie affecte certaines
disciplines médicales. Comment
y répondre?
Il n'existe pas de solution simple. La pénurie
touche certains métiers et secteurs précis:
les urgentistes, les pédiatres, les gériatres, les
anesthésistes, la chirurgie plastique ou l'imagerie
médicale
par exemple. Elle a un impact différent
au Nord et au Sud, selon que l'hôpital est un
hôpital universitaire ou général. Au Nord, en
raison de la langue, le marché de l'emploi est
encore
beaucoup plus difficile que le nôtre: il
faut parfois fermer une salle d'opération, non
en raison d'une baisse de l'activité, mais d'une
pénurie de soignants. De la même manière,
le fait d'être un hôpital universitaire avec des
maîtres de stage, des professeurs, des mentors
nous donne un certain
avantage par rapport aux
hôpitaux généraux, qui doivent
, encore plus que
nous, placer de nombreuses annonces, voire de
recourir à des chasseurs de têtes pour effectuer
le recrutement. Ici, où nous avons un vivier
d'infirmières, de kinés, d'assistants sociaux, etc.
il est essentiel de
veiller à bien accueillir les gens
et à leur offrir un cadre de travail épanouissant.
Si l'accompagnement, la formation, la recherche
sont des facteurs importants d'attractivité,
il faut, en retour, organiser le travail de manière
telle que les gens puissent allier activités
cliniques et recherches, tout en respectant la
nécessité d'être à l'équilibre financièrement!
La pénurie qui affecte en Belgique
les
fonctions telles que les comptables, les
secrétaires médicales, les informaticiens,
etc., pose également de sérieux problèmes
pour le fonctionnement même de l'hôpital.
Que fait-on si l'on manque de personnel
à la facturation, d'informaticiens, quand
on sait l'importance considérable qu'a pris
l'informatique au sein de l'hôpital?
Tout comme l'attraction,
la rétention du personnel
qualifié est au centre de la ges-
tion des ressources humaines.
De quels moyens l'hôpital dis-
pose-t-il pour la favoriser?
C'est un thème que nous avons abordé
lors du
20
e
congrès mRH consacré au bonheur au travail,
que j'ai présidé. Le rôle de l'entreprise n'est pas
de s'occuper du bonheur de ses employés, mais
il lui revient de mettre en place les conditions, les
leviers pour permettre à ses collaborateurs d'être
heureux au travail. C'est d'autant plus important
que les départs font partie des causes de la
pénurie. Pour moi, la base de la rétention est le
«taking care of people» qui permet de conserver
le personnel motivé, engagé dans l'organisation,
heureux d'y être par choix. Une manière de
procéder consiste à fournir des possibilités
d'épanouissement (formation continue),
d'évolution au sein de la carrière mais aussi de
favoriser la mobilité entre les services, entre les
métiers.
L'hôpital connaît une grande
diversité de départements,
de fonctions, qui doivent de plus
en plus être intégrés. Comment
est-ce géré au niveau des res-
sources humaines?
L'intégration est de plus en plus nécessaire
car les métiers évoluent mais elle est encore
mal anticipée. Pour s'y préparer au mieux,
nous menons actuellement avec le support
HE0441F
Attractivité et rétention du personnel
hospitalier:
autonomie et valeurs!
Quels sont les facteurs d'attractivité et de rétention du personnel au
sein d'un monde hospitalier axé sur l'humain, complexe, passionnant
mais en manque de moyens? Comment gérer l'intégration des
services et la professionnalisation accrue du secteur rendue
nécessaire par l'évolution des institutions hospitalières? Telles
sont les questions que le JDS a posées à Christine Thiran (Directrice
des Ressources Humaines et de la Communication, Cliniques
universitaires Saint-Luc, UCL), seule DRH du secteur non marchand
francophone
à avoir obtenu le titre de manager RH de l'année (1).
MANAGEMENT: RECRUTEMENT DANS LES HÔPITAUX
Christine Thiran: «Si l'accompagnement, la
formation, la recherche sont des facteurs importants
d'attractivité, il faut, en retour, organiser le travail
de manière telle que les gens puissent allier activités
cliniques et recherches, tout en respectant la nécessité
d'être à l'équilibre financièrement!»