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ORTHO-RHUMATO | VOL 12 | N°1 | 2014
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De manière générale, on estime que 20 à 30% des patients
ont besoin d'une thérapie agressive à base de biomédica-
ments. Le développement et l'application de ces biologi-
cals
, à commencer par les inhibiteurs du TNF, ont entraîné
de grands changements dans le traitement de la PR. Cinq
inhibiteurs du TNF sont utilisés à l'heure actuelle: l'inflixi-
mab, l'étanercept, l'adalimumab, le golimumab et le cer-
tolizumab pegol. Globalement, ces agents induisent une
réponse clinique chez quelque 60% des patients, et une
rémission chez 20 à 42% des patients (7-11). Par ailleurs, il
a été démontré que l'association d'inhibiteurs du TNF et de
méthotrexate est supérieure à la monothérapie par inhibi-
teurs du TNF ou méthotrexate (12).
La meilleure connaissance de l'immunopathogenèse de la
PR a conduit au développement d'autres stratégies théra-
peutiques, ciblant d'autres cytokines que le TNF comme
l'interleukine (IL)-6, les lymphocytes B (anti-CD20) ou
certaines molécules influençant les signaux de costimula-
tion impliqués dans l'activation des lymphocytes T (aba-
tacept, CTLA4-Ig) (13-15). Ces agents offrent également
de nouvelles possibilités thérapeutiques en cas de réponse
inappropriée aux inhibiteurs du TNF, puisqu'ils induisent
généralement une réponse clinique chez 60% des patients
qui n'ont jamais été traités par des biomédicaments, et une
réponse plus faible chez les patients qui n'ont pas répondu
aux inhibiteurs du TNF. Cela signifie toutefois que les trai-
tements actuellement disponibles ne produisent toujours
pas ou peu de bénéfice chez une grande partie des patients
PR. Viennent s'ajouter à cela diverses considérations de sé-
curité, notamment en ce qui concerne le risque d'infections
et le risque de tumeurs malignes associé à ces traitements.
La présente revue s'intéresse à de nouveaux traitements
potentiels de la PR, parmi lesquels les médicaments ciblant
certaines cytokines et chimiokines, et les médicaments qui
interviennent sur les voies de signalisation intracellulaire.
THÉRAPIES CIBLANT LES LYMPHOCYTES T
Les premières biothérapies étaient des anticorps monoclo-
naux ciblant les marqueurs de surface des lymphocytes T
tels que les CD4, CD5 et CD52. Les études de phase I
semblaient prometteuses, mais les essais contrôlés ran-
domisés (ECR) avec des anticorps anti-CD4 déplétants
n'ont mis en évidence qu'une faible efficacité dans la PR,
voire pas d'efficacité du tout, et les études réalisées avec
les anticorps anti-CD52 ont été arrêtées pour cause de
toxicité (16-19). La première étude de type first-in-human
conduite avec le TGN1412, un superagoniste anti-CD28 ac-
tivant les lymphocytes T, a abouti à un choc cytokinique et
à une défaillance polyviscérale chez des volontaires sains.
En revanche, l'inhibition par CTLA4-Ig (abatacept) de la
costimulation médiée par le CD28 a prouvé son efficacité
à la fois sur le soulagement des symptômes et sur le ralen-
tissement de la progression radiographique (20). Cette
discordance peut vraisemblablement s'expliquer par le fait
que l'abatacept inhibe essentiellement les lymphocytes T
effecteurs, au lieu de provoquer une déplétion généralisée
en lymphocytes T CD4+.
Ces dernières années, l'attention s'est principalement por-
tée sur la voie IL-23/IL-17. L'IL-23 est une cytokine cruciale
dans les affections inflammatoires telles que la PR. Elle
intervient dans le développement des lymphocytes T Th17
qui libèrent l'IL-17 pro-inflammatoire. Dans la PR, il existe
une forte corrélation entre les concentrations sériques d'IL-
23 et, d'une part, l'activité de la maladie et, d'autre part, les
taux d'IL-17 dans le liquide synovial (21). L'inhibition sélec-
tive de l'IL-17 ou de l'IL-23 se présente dès lors comme un
nouveau traitement potentiel de la PR. Dans les études cli-
niques, l'ixékizumab (un anticorps monoclonal anti-IL-17)
a permis d'obtenir une amélioration significative du score
DAS28 (score composite constitué du nombre d'articula-
tions douloureuses/gonflées, de la vitesse de sédimentation
érythrocytaire ou du taux de protéine C-réactive, et d'un
score déterminé par le patient sur une échelle visuelle ana-
logique en ce qui concerne l'activité globale de la maladie)
et du score ACR20 (20% d'amélioration pour l'activité de la
maladie, conformément aux critères de l'American College
of Rheumatology
) par rapport au placebo (22, 23).
A contrario, le sécukinumab (un autre anticorps monoclo-
nal humain anti-IL-17) s'est avéré inefficace dans la PR,
étant donné que le critère d'évaluation principal (réponse
ACR20) n'a pas été atteint (24). Compte tenu de la ten-
dance manifeste en faveur de l'effet, des recherches com-
plémentaires ont toutefois été entreprises depuis lors. En
parallèle, les chercheurs se sont aussi penchés sur l'effi-
cacité d'un anticorps anti-récepteur de l'IL-17 (AMG827)
(25). L'ustékinumab, un anticorps monoclonal anti-IL-12/
IL-23 qui a déjà prouvé son efficacité dans le psoriasis, fait
actuellement aussi l'objet d'études de recherche sur des
patients PR (ClinicalTrials.gov Identifier: NCT01645280).
De son côté, le mésylate d'apilimod (un autre inhibiteur
anti-IL-12/IL-23) n'a pas réussi à convaincre d'une quel-
conque amélioration clinique significative (26).
A l'heure qu'il est, il reste donc difficile de dire si le ciblage
IL-23/IL-17 sera ou non une alternative thérapeutique
valable dans la PR.
THÉRAPIES CIBLANT LES LYMPHOCYTES B
Les études cliniques et l'expérience pratique aujourd'hui
acquise dans le monde entier démontrent que le rituxi-
mab, un anticorps monoclonal chimérique anti-CD20, est
un traitement efficace dans la PR (13, 27). L'antigène CD20
est exprimé exclusivement par les lymphocytes B au stade
pré-B et aux stades immunoblastiques plasmacytoïdes, et
son ciblage induit la mort des lymphocytes B.