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GUNAIKEIA
VOL 16 N°7
2011
212
Pour le foetus
Bien que le foetus est bien armé pour faire face à un certain
degré d'hypoxie, en redistribuant préférentiellement ses
apports en oxygène vers ses organes nobles (6), un arrêt
cardio-respiratoire maternel entraîne rapidement une
asphyxie foetale et une acidose métabolique, se soldant
rapidement par des lésions de ses organes nobles, lésions
irréversibles, et par la mort foetale.
Il paraît donc évident que le délai entre l'arrêt cardio-
respiratoire maternel et l'extraction foetale est important,
tant pour la survie foetale que pour son bien-être. Si
Chesnutt (7) a estimé qu'un foetus pouvait survivre
pendant 10 minutes en asphyxie, Katz (5) a tiré comme
conclusion de ses travaux que 4 minutes était la limite à
ne pas dépasser dans un échec de réanimation maternelle,
le bébé devant être extrait endéans les 5 minutes post-
mortem. Cet auteur a étudié la littérature mondiale sur les
césariennes peri-mortem de 1900 à 2005 et il a rapporté,
sur une série de 99 césariennes peri-mortem, que 95% des
bébés survivants étaient nés dans les 15 minutes suivant
la mort maternelle, dont 70% dans les 5 minutes post-
mortem et ces derniers sans dommages neurologiques
néonataux. Bien entendu, la survie et le bien-être foetal
sont tributaires de l'âge gestationnel à l'extraction et
des causes du décès maternel, qui peuvent avoir déjà
largement compromis le devenir foetal.
Il est donc légitime d'estimer qu'au-delà d'un délai de
15 minutes de mort maternelle, le sauvetage foetal est
vain et que, par contre, lorsque le délai depuis la mort
maternelle est inférieur à 5 minutes, les chances de survie
et de bien-être du foetus à extraire sont réelles, tout autre
paramètre péjoratif étant absent (extrême prématurité,
RCIU sévère,...) (3).
Il est à noter toutefois que quelques rares «
case reports»
montrent des survies foetales sans séquelle majeure au-
delà de cette limite de 5 minutes de mort maternelle (8, 9).
Cas particulier de la patiente en mort
cérébrale
Il s'agit là d'un cas particulier où la patiente en mort céré-
brale est maintenue artificiellement en vie, afin d'atteindre
la maturité foetale. Cela implique des considérations mo-
rales et éthiques qui ne sont pas le propos de cet article.
Technique chirugicale
L'exigence première d'une césarienne peri-mortem est sa
rapidité. L'enfant doit être extrait en moins d'une minute.
Aucune directive n'existe dans la littérature mondiale sur
la technique chirurgicale à employer; chaque opérateur
concerné doit utiliser la technique qu'il connaît le mieux
et la plus rapide pour lui, sans nécessité d'une asepsie
maximaliste (3). La réanimation maternelle peut être
poursuivie durant cette césarienne.
Aspects médicolégaux
Il n'existe à ce jour aucun procès impliquant un praticien
qui a réalisé une césarienne peri-mortem. Un consen-
tement de la famille n'est pas nécessaire pour ce type
d'intervention, selon le principe de la nécessité vitale, le
médecin étant dans l'obligation de faire tout ce que son
art permet pour préserver la vie et limiter la souffrance,
quand bien même il échouerait dans sa tentative.
La situation est plus compliquée lorsqu'un délai de plus
de 15 minutes s'est écoulé depuis la mort maternelle. Le
praticien peut se trouver devant un choix éthique délicat:
faut-il extraire un enfant qui, dans le meilleur des cas, aura
des dommages neurologiques irréversibles et dont le père,
déjà affecté par le décès de son épouse, devra supporter la
prise en charge difficile?
Quant à la question de savoir si l'on peut réaliser une césa-
rienne post-mortem après le décès et du foetus et de la
future mère, cela afin de permettre une sépulture séparée
de la maman et de son enfant, aucune loi, aucune juris-
prudence, aucune doctrine n'existent à ce jour. En clair,
rien ne s'oppose à ce que cet enterrement ait lieu de façon
séparée et distincte, mais rien n'y contraint non plus. Ainsi,
on pourrait imaginer qu'à la demande du père, l'enfant
soit extrait et enterré à part.
Conclusion
La revue de la littérature montre que la césarienne peri-
mortem prend une importance grandissante dans les
pratiques médicales modernes, tant dans le cadre du
sauvetage foetal que dans celui de la réanimation
maternelle.
Ce sont évidemment la promptitude de décision et la rapi-
dité d'extraction foetale qui conditionnent les chances de
succès.
L'approche doit être multidisciplinaire (obstétricien, pé-
diatre, urgentiste), la procédure connue de tous et des
simulations répétées doivent être effectuées dans les ser-
vices concernés, car, plus que la technique, nous l'avons
dit, c'est la rapidité d'action qui est importante.
Références
1.
CEMACH. 2000-2007. Confidential Enquiry into Maternal and Child Health (CEMACH).
Saving mothers lives. Department of Health. London: HMSO.
2.
Murphy N, Reed S. 2000. Maternal resuscitation and trauma. In: Damos JR, Eisinger SH,
Leawood KS, editors. Advanced life support in obstetrics (ALSO) provider course syllabus.
American Academy of Family Physicians. pp 1-25.
3.
Warraich Q, Esen U, Perimortem caesarean section. J Ob Gyn Nov 2009;29(8):690-3.
4.
Mallampalli A, Elizabeth G. Cardiac arrest in pregnancy and somatic support after brain
death. Critical Care Medicine 2005;33:325-31.
5.
Katz VL, Balderston K, Defreest M. Perimortem caesarean delivery: were our assumptions
correct? Am J Obstet Gynecol 2005;192:1916-21.
6.
Low JA, Lindsay BG, Derrick EJ. Threshold of metabolic acidosis associated with newborn
complications. Am J Obstet Gynecol 1997;177:1391-4.
7.
Chesnutt AN. Physiology of normal pregnancy. Critical Care Clinics 2004 20:609-15.
8.
Yildirim C, Goksu S, Kocoglu H, Gocmen A, Akdogan M, Gunay N. Perimortem caesarean
delivery following severe maternal penetrating injury. Yonsei Medical Journal
2004;45:561-3.
9.
Capobianco G, Balata A, Mannazzu MC, et al. Perimortem caesarean delivery 30 min after
a laboring patient jumped from a fourth-floor window: baby survives and is normal at
age 4 years. Am J Obstet Gynecol 2008;198:e15-e16.