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l
Neurone
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Vol 17
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N°2
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2012
sonnes la mutation est présente, et ceci
avant l'apparition de symptômes. Ceci
est extrêmement important en vue de
l'étude des tout premiers stades de la
maladie. Des modifications précoces
(parfois minimes) du tableau clinique et
de l'imagerie peuvent en l'occurrence
constituer une première indication
qu'une certaine personne va développer
la maladie, ce que l'on pourra égale-
ment utiliser par la suite chez les per-
sonnes non porteuses de la mutation.
Simultanément, cela constitue la pre-
mière étape ­ importante ­ d'une longue
quête d'un médicament pour ces deux
affections. Nous savons à présent que la
cause réside dans une longue répétition
dans une région non codante du génome
et nous avons également pu démontrer
que ces patients présentent des accumu-
lations d'ARN messager, appelées agré-
gats d'ARN. En cas de répétition limitée,
comme chez les personnes en bonne
santé, cet ARN est tout simplement dé-
truit. Cependant, en cas de très longues
répétitions, l'ARN va s'accumuler dans
le noyau cellulaire. Il en va de même
pour d'autres répétitions non codantes,
qui surviennent par exemple en cas de
dystrophie myotonique, pour lesquelles
on a démontré que les protéines liant
l'ARN vont se fixer à ces amas d'ARN et
ne pourront plus exercer leur fonction
normale. Le plus souvent, il s'agit de
protéines exerçant une fonction régula-
trice vis-à-vis des molécules d'ARN.
Selon l'hypothèse formulée, ceci entraîne
une désorganisation complète et une
dérégulation de l'ARN dans la cellule.
En fonction de la séquence de la répé-
tition, GGGGCC pour la mutation de ré-
pétition que nous avons trouvée, d'autres
protéines pourront se fixer. Pour le mo-
ment, nous ne savons pas encore quelles
protéines sont précisément impliquées
en cas de SLA et de DFT. Dans d'autres
affections, les séquences de répétition
sont précisément différentes, et d'autres
protéines se fixeront. Toutefois, ces
autres processus pathologiques peuvent
être riches d'apprentissage, et les études
complémentaires devront également se
focaliser sur ce point. Quelles protéines
liant l'ARN vont se fixer? Quelles molé-
cules d'ARN sont fautivement scindées
et n'aboutissent donc pas au bon en-
droit? Pour quelles molécules d'ARN se
produit-il une sur- ou une sous-expres-
sion? On envisage la fabrication de petits
oligonucléotides qui pourraient éven-
tuellement neutraliser l'ARN, afin qu'il
ne se forme plus d'agrégats.»
À l'avenir, avez-vous l'intention
de continuer à travailler sur la
SLA et la DFT?
Roos Rademakers: «Nous avons certai-
nement l'intention de consacrer une par-
tie de nos travaux de recherche à ce gène
et de regarder plus spécifiquement
quelles molécules d'ARN sont modi-
fiées. Pour cela, nous utilisons une tech-
nique de séquençage d'ARN compa-
rable à la Next generation sequencing
technology (NGST). En une fois, on dé-
termine non seulement la séquence,
mais aussi le niveau d'expression de
toutes les molécules d'ARN d'une per-
sonne. Nous avons d'une part sélection-
né des patients souffrant de DFT, por-
teurs de la mutation, et d'autre part des
patients atteints de DFT, ne possédant
pas cette mutation. Nous comparons le
schéma, l'expression et le type d'ARN
provenant du cortex frontal des deux
groupes. Nous espérons de la sorte trou-
ver une première indication au sujet du
type de molécules d'ARN qui jouent pré-
cisément un rôle dans la physiopatholo-
gie de l'affection. Nous souhaitons éga-
lement étudier davantage pourquoi cer-
tains patients développent la maladie à
un âge relativement jeune, et d'autres
seulement à un âge avancé. D'autres fac-
teurs génétiques jouent-ils un rôle ici, ou
la longueur de la répétition a-t-elle un
rôle déterminant? Dans certaines affec-
tions, la longueur de la répétition est liée
à l'âge de début de la maladie. Le phé-
nomène par lequel la maladie survient
de plus en plus tôt à chaque génération
successive, car la répétition ne cesse de
s'allonger, est appelé anticipation. Nous
allons également essayer de découvrir
quel rôle cette mutation joue dans
d'autres maladies neurodégénératives,
comme la maladie d'Alzheimer ou de
Parkinson. Ces patients possèdent-ils
éventuellement une mutation semblable
avec une sorte de longueur intermédiaire
de 50 à 100 répétitions? Enfin, nous
continuons également à rechercher
d'autres gènes responsables. Il existe en
effet toujours des familles touchées par
la SLA ou la DFT, dans lesquelles la ma-
ladie ne peut être expliquée par les ano-
malies géniques connues.»
On est dans la première
étape ­ importante ­ d'une
longue quête d'un
médicament pour ces deux
affections. Nous savons à
présent que la cause réside
dans une longue répétition
dans une région non
codante du génome.
Pour le moment, nous ne savons pas encore quelles protéines
sont précisément impliquées en cas de SLA et de DFT.
Toutefois, d'autres processus pathologiques peuvent être
riches d'apprentissage.