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Neurone
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Vol 17
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N°2
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2012
tionnées par rapport au traumatisme ini-
tial (10).
Rôle de l'anesthésie
Outre leur effet antalgique à court terme,
il est maintenant bien démontré que les
opioïdes induisent une hyperalgésie à
plus long terme. Celle-ci partage certains
mécanismes physiopathologiques avec
l'hyperalgésie secondaire et il semblerait
que la microglie contribue à son établis-
sement (6, 11, 12). Le rôle de cette hyper-
algésie dans la pathogénie des douleurs
chroniques postopératoires n'est pas en-
core bien établi. Les agents anesthé-
siques halogénés, utilisés couramment
en anesthésie, activent des canaux io-
niques pro-nociceptifs périphériques (5).
Là aussi, l'importance clinique de ce
phénomène n'est pas certaine.
Identifier les patients à risque
Prédire quels patients sont à risque de
développer des douleurs chroniques
post-chirurgicales permettrait de mieux
les prendre en charge dès le préopéra-
toire. Plusieurs échelles (13) permettent
de d'évaluer le risque de l'intensité de la
douleur postopératoire immédiate, mais
la survenue de douleurs postopératoires
chroniques se révèle plus difficile à pré-
dire. Cependant, plusieurs facteurs de
risque ont été mis en évidence.
Le plus frappant est l'intensité de la dou-
leur postopératoire aiguë, sans que l'on
puisse déterminer avec certitude si c'est
cette intensité qui initie les processus
menant à des douleurs chroniques ou si
elle est seulement le témoin d'une vul-
nérabilité plus importante du patient. Ce
lien a été mis en évidence après plu-
sieurs types de chirurgies (thoracotomie,
chirurgie herniaire, césarienne, mam-
mectomie) (12, 14).
Plusieurs études ont également montré
une corrélation entre la présence d'une
douleur préopératoire au site chirurgical
et la survenue de douleurs chroniques
post-chirurgicales, par exemple après
chirurgie herniaire, thoracotomie ou am-
putation (13, 15, 16). De même, une
corrélation a pu être mise en évidence
entre les douleurs postopératoires chro-
niques et certains syndromes doulou-
reux chroniques comme la fibromyalgie,
le syndrome temporo-mandibulaire ou
la migraine (6, 14).
Par contre, bien que de nombreuses pu-
blications aient montré un lien entre
l'intensité de la douleur aigue après
chirurgie et certains facteurs psychoso-
ciaux (par exemple la dépression, l'an-
xiété ou la dramatisation), les études
sont beaucoup plus équivoques en ce
qui concerne les douleurs chroniques (7,
14, 17, 18).
Certains polymorphismes génétiques
sont associés à une sensibilité altérée à
la douleur. A ce jour, le rôle éventuel de
ces polymorphismes génétiques sur la
genèse de douleurs chroniques n'est pas
encore élucidé (3, 6).
Par ailleurs, il semblerait que l'âge ait un
certain effet protecteur sur le développe-
ment de douleurs chroniques postopéra-
toires, en tous cas après chirurgie her-
niaire ou mammaire (14, 19). Les femmes
ont l'air plus touchées que les hommes
par ce phénomène (1, 10).
Enfin, l'évaluation des systèmes endo-
gènes du contrôle de la douleur pourrait
avoir un grand intérêt. Des études ré-
centes montrent que les patients ayant
des systèmes inhibiteurs peu efficaces
développent plus de douleurs chro-
niques après thoracotomie ou chirurgie
abdominale (6).
Prévention
Préopératoire
La manière la plus efficace de réduire le
nombre de patients souffrant de douleurs
chroniques post-chirurgicales est de ré-
duire le nombre d'interventions chirurgi-
cales. Les indications doivent être bien
posées et les patients devraient être
mieux informés du risque de développer
des douleurs chroniques, surtout pour
des interventions à visée esthétique. A
titre d'exemple, l'incidence de douleurs
persistantes après augmentation mam-
maire est estimée entre 15 et 50% selon
les études (6, 14).
Si une intervention est nécessaire, choi-
sir l'approche la moins invasive possible
semble causer moins de douleurs chro-
niques. Plusieurs études ont montré que
les cures de hernie inguinale par lapa-
roscopie étaient moins souvent suivies
de douleurs chroniques que celles par
voie ouverte. De même, on retrouve
moins de douleurs résiduelles après une
cholécystectomie
par
laparoscopie
qu'après la même intervention par lapa-
rotomie (6, 14).
Dans le futur, la préparation optimale
des patients avant une intervention
chirurgicale pourrait comporter une pré-
paration psychologique pour réduire
l'anxiété, de l'exercice physique pour
réduire l'inflammation (20) ou un régime
alimentaire particulier. En effet, certaines
suppléments nutritionnels ont montré
des effets antalgiques et anti-hyperalgé-
siques dans des modèles animaux (15,
16).
Peropératoire
L'objectif de notre prise en charge anes-
thésique est la réduction de la sensibili-
sation périphérique et centrale par une
anesthésie protective. Pour ce faire, il est
nécessaire d'agir aux multiples niveaux
impliqués dans la genèse des processus
de sensibilisation, par exemple en appli-
quant des stratégies d'épargne morphi-
nique, en utilisant les techniques d'anes-
thésie locorégionale et administrant
des médicaments anti-hyperalgésiques
comme la kétamine, le protoxyde
d'azote, les AINS ou la clonidine (10).
Dans le futur, il sera sans doute possible
de moduler plus finement les processus
physiopathologiques par des interven-
tions sur l'activité gliale (par exemple la
minocycline) (18) ou sur les médiateurs
de l'inflammation (par exemple les inhi-