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l
Neurone
·
Vol 17
·
N°2
·
2012
Définition
L'IASP (International Association for the
Study of Pain
) a défini en 1999 la douleur
chronique post-chirurgicale (DCPC)
comme une douleur qui apparaît en post-
opératoire, persiste plus de deux mois et
n'est pas explicable par une autre cause
que l'intervention. Les douleurs secon-
daires à une pathologie préexistante sont
donc exclues par cette définition (3).
Mécanismes
Les mécanismes qui expliquent la chroni-
cisation de la douleur ne sont pas encore
complètement élucidés et il est possible
qu'ils soient différents selon le patient et
selon la procédure chirurgicale.
Douleur nociceptive,
inflammatoire et neuropathique
La douleur postopératoire a plusieurs
composantes. La douleur nociceptive est
le résultat de l'activation de nocicepteurs
périphériques à un stimulus mécanique,
chimique ou thermique. Elle disparaît
une fois le stimulus terminé. La douleur
inflammatoire se manifeste par la sensi-
bilité à la douleur accrue secondaire à
une lésion tissulaire ou inflammatoire.
Elle correspond à la sensibilisation des
récepteurs périphériques et du système
nerveux central par des médiateurs in-
flammatoires. Elle peut persister plu-
sieurs heures voire plusieurs jours après
la lésion initiale mais est généralement
réversible. Ce sont ces mécanismes qui
provoquent la douleur postopératoire
jusqu'à la guérison de la plaie. Parfois,
une lésion ou une dysfonction du sys-
tème nerveux est responsable de l'appa-
rition d'une composante de douleur
neuropathique. Elle associe une perte de
fonction (hypoesthésie) à des paresthé-
sies, une allodynie, une hyperalgésie ou
des dysesthésies dans un territoire ner-
veux.
Sensibilisation périphérique
Toute lésion tissulaire entraine la libéra-
tion de médiateurs inflammatoires par
les tissus lésés, les fibres nerveuses et les
cellules immunitaires. Au niveau des
nocicepteurs, ces médiateurs activent
des voies de signalisation intracellulaires
qui entrainent une phosphorylation
de canaux ioniques, diminuant le seuil
de réponse et augmentant l'excitabilité
de ces récepteurs. Cette hyperalgésie
primaire est un processus réversible qui
disparait avec la disparition de ces
médiateurs, lors de la guérison de la plaie.
Cliniquement, la sensibilisation périphé-
rique produit une hyperalgésie et une
allodynie autour de la cicatrice.
Sensibilisation centrale
Les stimuli douloureux provoqués par la
chirurgie génèrent une activité intense et
des modifications d'excitabilité au ni-
veau de la corne postérieure de la
moelle. Ces changements durent plus
longtemps que la durée de la stimulation
qui les a causés, mais ils sont générale-
ment réversibles. Cliniquement, cette
sensibilisation centrale se manifeste par
une hyperalgésie dite secondaire et une
allodynie aux stimuli mécaniques à dis-
tance de la cicatrice.
Ces mécanismes de sensibilisation ont
une utilité physiologique, car ils mettent
l'organisme au repos et cela facilite la
guérison. Une fois la guérison obtenue,
ils sont supposés se résoudre. Un des
mécanismes expliquant l'apparition de
douleurs chroniques post-chirurgicales
est un dysfonctionnement dans le retour
à la normale de ces systèmes. Les raisons
n'en sont pas encore connues avec certi-
tude mais on retrouve souvent dans
l'anamnèse des patients souffrant de ces
douleurs une histoire de fibromyalgie, de
céphalées ou d'hypersensibilité viscé-
rale, toutes des pathologies où la sensibi-
lisation centrale joue un rôle physiopa-
thologique (4).
Lésion nerveuse
Dans certains syndromes douloureux
post chirurgicaux (par exemple l'atteinte
du nerf intercostobrachial lors d'une
chirurgie mammaire, d'un ou plusieurs
nerfs intercostaux lors d'une thoracoto-
mie ou encore du génito-fémoral lors
d'une cure de hernie inguinale), c'est
sans doute une lésion nerveuse qui est la
cause principale des douleurs. Ces lé-
sions nerveuses entraînent des change-
ments périphériques et centraux menant
à une sensibilisation, par exemple une
redistribution de certains sous-types de
canaux sodiques dans les terminaisons
atteintes ou une activation de la micro-
glie dans la corne postérieure de la
moelle (5). Cependant, toutes les dou-
leurs chroniques post-chirurgicales n'ont
pas un caractère neuropathique et toutes
les lésions nerveuses n'entrainent pas
la survenue de douleurs chroniques
post-chirurgicales. Par exemple, certains
patients avec des lésions nerveuses se
manifestant par déficits sensoriels en
postopératoire ne développent pas
de douleurs chroniques. L'incidence
plus élevée de douleurs résiduelles après
thoracotomie pour chirurgie carcinologi-
que ou pour transplantation pulmonaire
laisse suspecter que les réactions immu-
nitaire et inflammatoire pourraient jouer
un rôle dans la pathogénie des douleurs
chroniques post-chirurgicales (6).
Rôle de l'inflammation
Les phénomènes de sensibilisation dé-
crits plus haut ne sont pas causés uni-
quement par des changements au niveau
du système nerveux. De multiples inter-
actions existent entre les systèmes
nerveux et immunitaire (7). Les cellules
immunitaires circulantes ainsi que les as-
trocytes et les cellules gliales sont impli-
qués dans la genèse des phénomènes de
sensibilisation ainsi que dans les dou-
leurs neuropathiques (8) et inflamma-
toires (9). La cause du développement de
douleurs chroniques post-chirurgicales
se trouve peut-être dans une altération
des mécanismes de régulation de l'in-
flammation, exposant certains patients à
des réactions inflammatoires dispropor-