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l
Neurone
·
Vol 16
·
N°9
·
2011
L'impact du sommeil sur notre
bien-être émotionnel
La qualité et la quantité de notre som-
meil influencent directement la manière
dont nous réagissons aux événements
stressants et émotionnels de la vie, ce
qui est donc un déterminant important
de notre bien-être. Il est bien connu
qu'une bonne nuit nous aide à nous sen-
tir bien et plus capable de gérer les diffi-
cultés émotionnelles du jour suivant. Le
sommeil a donc une fonction de restau-
ration de notre fonctionnement journa-
lier, alors que la déprivation de sommeil
nous rend particulièrement sensible aux
émotions et aux stimuli si stressants. Il
faut dire que le sommeil semble tampon-
ner la relation entre le stress et sa réper-
cussion négative sur notre bien-être. La
voie par laquelle le sommeil influence
notre gestion des émotions pourrait bien
être le sommeil REM. Celui-ci module
notre humeur journalière et facilite l'in-
tégration des événements de vie émo-
tionnants dans la mémoire à long terme.
Par exemple, on a montré que l'adapta-
tion au stress induit par un film émotion-
nant est réduite après un sommeil où les
phases REM ont été diminuées et ceci,
en comparaison avec un sommeil où on
aurait diminué les phases non-REM, ou
encore un sommeil normal. D'autres
études ont confirmé que le manque de
sommeil non seulement intensifie nos
émotions négatives, mais aussi diminue
nos émotions positives après un événe-
ment. Ceci rejoint des études animales
dans lesquelles la suppression du
sommeil REM par la clomipranine ou la
clonidine démontre une augmentation de
l'anxiété, une diminution de l'activité
sexuelle et une perturbation de la qualité
du sommeil, particulièrement chez les
rats. Cependant, d'autres études avec
des enfants et des adolescents ont égale-
ment montré que la déprivation de som-
meil augmente la dépression, la confu-
sion, l'angoisse, ainsi que des sensations
subjectives de frustration ou encore l'irri-
tabilité et l'agression. De plus, chez les
déprimés, la privation de sommeil est
également associée à une augmentation
modérée des pensées dépressives et, par-
ticulièrement, la sensation de perte de
force, d'incapacité, de dévalorisation, de
manque de confiance, de perte d'estime
de soi...
Toutes les études de la littérature ne vont
cependant pas dans le même sens et cer-
taines, plutôt rares et encore controver-
sées, semblent faire une différence entre
l'importance du sommeil REM en début
de nuit par rapport au sommeil REM de
fin de nuit qui serait moins efficace sur
cet effet positif au plan émotionnel. En
effet, certaines études de déprivation to-
tale ou partielle de sommeil, particuliè-
rement de phase REM, ont démontré
chez des dépressifs, et de manière non
négligeable, une amélioration tempo-
raire en énergie et en humeur. Cepen-
dant, on a démontré un effet rebond
dans les nuits suivant la déprivation de
sommeil avec une nette augmentation
du sommeil REM et du sommeil lent pro-
fond. Des études complémentaires
doivent permettre d'éclaircir ces résul-
tats apparemment contradictoires.
Les rêves liés au REM ont-ils
une fonction modulatrice de
nos émotions?
Plusieurs études suggèrent un rôle de
plus en plus important du sommeil REM
­ plutôt que le sommeil non-REM ­ dans
les processus émotionnels. On a montré
que le contenu du rêve varie en fonction
du stade de sommeil. Les rêves semblent
plus vivants et chargés émotionnelle-
ment pendant les périodes REM, alors
qu'ils le sont beaucoup moins dans les
autres stades de sommeil dits non-REM.
Pendant les périodes REM, les processus
mentaux sont beaucoup plus expressifs
sur le plan émotionnel tant dans l'inten-
sité que dans la complexité. Par exemple,
une étude a investigué les patients qui
venaient de divorcer. Les sujets étaient
éveillés au cours du sommeil quelques
minutes après l'apparition d'un sommeil
REM. Chaque participant était égale-
ment évalué sur le plan dépressif tant au
début de l'étude qu'une année plus tard.
Les caractéristiques des rêves semblaient
répondre de manière adaptative aux évé-
nements de la vie, mais avec retard
lorsque les patients étaient déprimés. A
l'évaluation d'un an, 72% des 39 partici-
pants classifiés comme dépressifs pou-
vaient être classifiés correctement
comme dépressifs ou non, sur la pré-
sence ou non de rêves négatifs ou dé-
plaisants lors des réveils en sommeil
REM. Les patients qui n'étaient pas dé-
pressifs au moment du divorce ou plus
tard avaient peu de rêves négatifs tout au
long de la nuit, alors que les patients
déprimés au moment du divorce, mais
qui ne l'étaient plus un an plus tard
La qualité et la quantité de
notre sommeil influencent
directement la manière dont
nous réagissons aux
événements stressants et
émotionnels de la vie.
Les rêves semblent plus vivants et chargés émotionnellement
pendant les périodes REM, alors qu'ils le sont beaucoup moins
dans les autres stades de sommeil, dits non-REM.