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CNS/ELB/10/201
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Dépression unipolaire
La part de la génétique
Propos recueillis par Dominique-Jean Bouilliez
L'augmentation du risque
des dépressions uni et
bipolaires dans les familles
de proposants atteints de
troubles de l'humeur est
une donnée constante de la
littérature. Est-ce également
votre avis?
Pr Stephan Claes:
La littérature dé-
montre en effet l'existence d'une con-
centration de type héréditaire de ces
pathologies avec un risque de faire
une dépression multiplié par 2 à 3
lorsqu'une personne apparentée au
premier degré (parents, frères, soeurs
ou enfants) a eu une dépression. Ce
risque est donc modéré et en partie
lié à des facteurs génétiques, com-
me l'ont confirmé des études effec-
tuées sur des jumeaux qui ont établi
l'influence de la génétique à 30-40%
environ. Cela signifie donc aussi que
l'influence majeure est non-géné-
tique: environnement, stress... Une
influence génétique est également re-
trouvée dans le neuroticisme et dans
nombre de troubles anxieux. On parle
donc ici d'héritabilité ou de suscepti-
bilité faible (elle est par exemple de
90% en cas d'autisme et de 60-70%
en cas de schizophrénie ou de trou-
ble bipolaire), mais plus importante
cependant que dans les troubles
anxieux où elle n'est que de l'ordre
de 20 à 30%. Enfin, certaines études
récentes effectuées par l'équipe de
Kendler de l'université de Virginie ont
pu montrer que cette susceptibilité
génétique est plus manifeste chez la
femme que chez l'homme.
A-t-on pu identifier des
gènes précis?
Pr Stephan Claes:
C'est un domaine
dans lequel la recherche est très ac-
tive et a pu dégager plusieurs voies.
La plus évidente, et probablement la
plus connue, est celle du gène qui
code pour la molécule transporteuse
de la sérotonine. On a pu établir en
effet que la zone promotrice du gène
qui code pour cette protéine présente
un polymorphisme génétique. Il faut
savoir à cet effet que chaque gène
est sous le contrôle de ce que
l'on appelle un promoteur. Localisé
devant le gène, le promoteur contrôle
la fréquence à laquelle l'information
contenue dans celui-ci est utilisée
pour fabriquer la protéine correspon-
dante. Le promoteur du gène de la
molécule transporteuse de la séro-
tonine existe sous deux formes: une
longue qui comporte une séquence
supplémentaire de 44 acides ami-
nés (60% des copies environ) et une
courte (40% des copies), la forme
longue permettant une production
plus élevée de cette protéine. Il se
présentera alors trois cas de figure:
présence des deux versions courtes
du gène (20% de la population en-
viron), présence des deux versions
longues (30% environ), version pana-
chée (50% de la population).
Et quelle est sa
signification?
Pr Stephan Claes:
Comme je le sig-
nalais plus haut, il s'agit plus d'un
gène de susceptibilité puisque l'on
sait que, parmi les personnes qui
n'ont pas vécu de stress importants,
la probabilité de faire une dépres-
sion semble la même quelle que
soit la longueur du gène. Mais cela
ne doit pas faire oublier qu'il semble
exister un parallèle entre le risque de
dépression, quel que soit le nombre
d'événements traumatiques rencon-
trés, et la présence du gène court en
un ou deux exemplaires. Parmi les
personnes possédant deux copies
courtes ayant traversé des expé-
riences stressantes, la probabilité
de vivre un épisode dépressif majeur
serait en effet multiplié par deux par
rapport aux personnes avec deux
copies longues ayant essuyé dans
leur vie autant de coups durs. Après
avoir démontré dans une étude pro-
spective l'importance de ce poly-
morphisme du gène du transporteur
Les dépressions sont la résultante de l'interaction d'un ensemble de facteurs psychologiques
individuels relevant de l'histoire personnelle de chacun et de son vécu actuel, de facteurs
de stress environnementaux (familiaux, professionnels ou socioculturels) et de facteurs
génétiques de vulnérabilité. Ces derniers, moins connus, ont fait l'objet de nombreux articles
récents et de plusieurs rencontres scientifiques organisées par Lilly. Rencontre avec le
Pr Stephan Claes (Psychiatrie, UZ Leuven) dont de nombreux travaux ont porté sur l'influence
du génétique dans la dépression unipolaire.
Pr Stephan Claes
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