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l
Neurone
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Vol 16
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N°9
·
2011
compression mécanique de la moelle
épinière ou d'un nerf ou d'une racine
nerveuse (9). Au moment du diagnostic
de myélome multiple, l'examen clinique
standard permet de retrouver une NP
chez 5 à 10% des patients (10). L'examen
électrophysiologique révèle cependant
des signes de NP infraclinique chez plus
d'un tiers des patients (11).
Dès le début de l'utilisation du thalido-
mide et du bortézomib, la NP est claire-
ment apparue comme étant leur princi-
pal effet indésirable non hématologique.
Le lénalidomide induit à peine une neu-
rotoxicité cliniquement pertinente (4, 5),
et l'utilisation des cytostatiques neuro-
toxiques que sont la vincristine et le
cisplatine a été presque totalement aban-
donnée dans la plupart des schémas thé-
rapeutiques européens pour le myélome
multiple. La NP induite par le thalido-
mide et le bortézomib peut se présenter
sous la forme d'une NP sensorielle, mo-
trice ou autonome (9, 12). Des troubles
sensitifs distaux, symétriques et ascen-
dants (hyper-, para- ou hypoesthésie),
partant des orteils et/ou des doigts, sont
la présentation clinique la plus fréquente
de la NP sensorielle. En outre, l'utilisa-
tion de bortézomib peut aussi déclen-
cher une douleur neuropathique péri-
phérique et des modifications de la
sensibilité à la chaleur et au froid suite à
l'atteinte des petites fibres nerveuses (9,
13). Bien qu'une neuropathie motrice est
moins fréquente et se produit le plus
souvent en association avec une NP sen-
sorielle sévère, elle doit toujours être
envisagée lorsqu'une faiblesse muscu-
laire et/ou un tremblement sont signalés
parmi les plaintes. Enfin, tant le thalido-
mide que le bortézomib peuvent égale-
ment induire une neuropathie autonome
chez certains patients.
Etant donné que la neurotoxicité n'af-
fecte pas uniquement la qualité de vie
des patients dans une large mesure, mais
qu'elle peut aussi diminuer l'efficacité
d'un traitement par une ou des réduc-
tions inutiles de la dose, un report ou
même l'arrêt du traitement, la préven-
tion de la NP constitue un défi important
lorsque l'on traite des patients avec du
thalidomide
et
du
bortézomib.
L'anamnèse et l'examen neurologique
clinique sont les piliers d'un diagnostic
précoce. Un examen électrophysiolo-
gique détaillé avec EMG ne doit pas être
pratiqué systématiquement, mais sera de
préférence réservé aux patients spéci-
fiques pour lesquels on ne peut poser un
diagnostic de certitude sur la base des
observations cliniques (14). Bien qu'il
existe différents systèmes de cotation
pour la NP, la plupart des études sur le
myélome utilisent le score CTC, dans
lequel les grades 1 et 2 sont considérés
comme légers et les grades 3 et 4 comme
sévères. Le grade 2 désigne une réper-
cussion fonctionnelle, alors que le grade
3 a un impact sévère sur le fonctionne-
ment du patient. Quelques tests standard
visant à distinguer une NP de grade 3
sont, par exemple, la capacité à bouton-
ner une chemise, nouer des lacets, écrire
ou faire tourner une clé. On ne peut ce-
pendant perdre de vue que la NP de
grade 2 ou même de grade 1 accompa-
gnée d'une douleur peut être ressentie
comme très incommodante par le pa-
tient.
Le reste de cet article donne un aperçu
de l'incidence, de la pathogenèse et de
la présentation clinique de la neuropa-
thie périphérique induite par le thalido-
mide (NPiT) et par le bortézomib (NPiB).
Neuropathie périphérique in-
duite par le thalidomide (NPiT)
A la fin des années cinquante du siècle
dernier, le thalidomide a été commercia-
lisé dans plus de 40 pays comme sédatif,
parce que le médicament était alors
Peau
Axone sensoriel
Récepteurs de la douleur
Interneurone
Moelle épinière
Axone moteur
Muscle
Substance grise
de la moelle
épinière
1.
Petites bres
2.
Fibres sensorielles a érentes
3.
Ganglion dorsal
4.
Fibres motrices e érentes
Figure 1: Cibles possibles pour la neuropathie périphérique induite par le thalidomide et
le bortézomib.
Etant donné que la neurotoxicité n'affecte pas uniquement la
qualité de vie des patients dans une large mesure, mais qu'elle
peut aussi diminuer l'efficacité d'un traitement par une ou des
réductions inutiles de la dose, un report ou même l'arrêt du
traitement, la prévention de la NP constitue un défi important.