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l
Neurone
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Vol 16
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N°9
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2011
(< 38m/s - 1) sous l'effet d'une démyéli-
nisation primaire (4). Lorsque la vitesse
de conduction nerveuse n'est pas alté-
rée, mais que les amplitudes sont ré-
duites sous l'effet d'une perte axonale
primaire, on parle de CMT2 (4). Viennent
ensuite les formes intermédiaires, plus
rares, caractérisées à la fois par des
signes de démyélinisation et de perte
axonale (4). Enfin, lorsque seuls les neu-
rones moteurs et leurs axones sont affec-
tés, et qu'il n'y a donc pas de perte de
sensibilité, on parle de neuropathie mo-
trice héréditaire distale (NMH distale)
(4). Les patients CMT sont par ailleurs
répartis en différentes catégories en
fonction du schéma de transmission (au-
tosomique dominante, autosomique ré-
cessive ou liée au chromosome X) et de
l'anomalie génétique sous-jacente (4).
À ce jour, on a identifié une quarantaine
de gènes associés à la CMT et/ou à la
NMH distale (pour obtenir un aperçu de
ces gènes, voir http://www.molgen.
ua.ac.be/CMTMutations). En 2004, nous
avons identifié cinq mutations distinctes
dans le gène codant pour la «small heat-
shock protein
B1» (HSPB1), qui sont à
l'origine de la CMT2 ou de la NMH dis-
tale (5). On connaît désormais 11 diffé-
rentes mutations dans ce gène, toutes
associées à la CMT2 ou à la NMH distale
(6-8). Les mutations des extrémités
N-terminales provoquent la CMT2,
tandis que les mutations des extrémités
C-terminales donnent lieu à la NMH
distale. La mutation S135F intervenant
dans le domaine central et hautement
conservé de la cristalline de HSPB1 est
la seule mutation associée à la fois à la
CMT2 et à la NMH distale. En outre,
deux autres mutations également décou-
vertes au sein de la famille des «small
heat-shock protein
» (HSPB3 et HSPB8)
induisent la CMT2 ou la NMH distale.
Ces résultats donnent à penser que les
«small heat-shock proteins» sont indis-
pensables pour assurer l'intégrité struc-
turelle et/ou fonctionnelle des neurones
et de leurs axones.
La HSPB1 est essentiellement connue
comme `chaperon': son rôle consiste à
identifier les protéines mal pliées et à les
aider à se replier dans la conformation
appropriée. Par ailleurs, la HSPB1 inter-
vient dans plusieurs autres processus
cellulaires, notamment dans la différen-
ciation et l'assemblage des structures
cytosquelettiques, dans la lutte contre
l'apoptose et dans le maintien de l'état
redox approprié.
Des travaux antérieurs menés sur cultures
cellulaires ont montré que les agrégats
toxiques de la HSPB1 mutante ­ un phé-
nomène souvent observé dans les mala-
dies neurodégénératives ­ perturbent la
distribution intracellulaire des autres
protéines (9, 10). Le mécanisme exact
sous-jacent à l'apparition de la CMT2 et
de la NMH distale induites par la pro-
téine mutante HSPB1 n'est cependant
pas encore élucidé.
Développement d'un modèle
murin pour la CMT2 et la
NMH distale
Afin de mettre à jour le mécanisme exact
sous-jacent à l'apparition de la CMT2 et/
ou de la NMH distale induites par la
HSPB1 mutante, nous avons développé
des souris transgéniques qui expriment
de manière sélective le gène mutant hu-
main HSPB1 (S135F ou P182L) dans les
neurones.
Les souris mutantes pour le gène HSPB1
sont normales à la naissance, mais déve-
loppent au bout de quelques mois des
symptômes similaires à ceux observés
chez les patients souffrant de CMT2 ou
de NMH distale. Les souris mutantes
pour le gène HSPB1 enregistrent une
diminution progressive à la fois des per-
formances motrices et de la puissance
musculaire. Les souris mutantes pour le
gène HSPB1 présentent également des
pattes munies de griffes, offrant une cer-
taine ressemblance aux pieds creux (pes
cavus)
ainsi qu'aux orteils en marteau
typiques des patients CMT. Par ailleurs,
les souris mutantes pour le gène HSPB1
présentent un schéma de marche modifié:
elles font de plus petits pas et hésitent au
moment de poser leurs pattes. Les exa-
mens électrophysiologiques des nerfs
périphériques et les analyses histochi-
miques des biopsies nerveuses ont mon-
tré que les souris mutantes HSPB1 pré-
sentent une perte axonale sans signe de
démyélinisation. Différentes techniques
ont été utilisées pour examiner les effets
structurels de la perte axonale au niveau
du muscle. Sur le plan macroscopique,
les muscles des souris mutantes pour le
gène HSPB1 présentent des signes ty-
piques de dénervation et de ré-innerva-
tion, avec des groupes de noyaux cellu-
laires pycnotiques et un regroupement
des types de fibres musculaires. Sur le
plan microscopique, on observe moins
de jonctions neuromusculaires inner-
vées, indiquant une dénervation pro-
gressive et distale du muscle.
Il existe également des différences mar-
quantes entre les deux souris mutantes
pour HSPB1. Outre des problèmes mo-
teurs, les souris S135F-HSPB1 présentent
également une perte progressive de sen-
sibilité, en particulier à la douleur et à la
température. Ce phénomène présente
une forte ressemblance avec les signes
observés chez les patients CMT2. Les
souris P182L-HSPB1 ne présentent pas
cette perte de sensibilité, ce qui indique
Les souris mutantes pour le gène HSPB1 sont normales à la
naissance, mais développent au bout de quelques mois des
symptômes similaires à ceux observés chez les patients souffrant
de CMT2 ou de NMH distale.