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l
Neurone
·
Vol 16
·
N°9
·
2011
la présence d'une neuropathie purement
motrice (NMH distale). Les examens
électrophysiologiques ont confirmé ces
observations. Contrairement aux souris
P182L-HSPB1, les souris S135F-HSPB1
ont montré une baisse des amplitudes
des «sensory nerve action potentials»
(SNAPS ou potentiel d'action sensitif des
nerfs). Une autre différence réside, chez
les deux souris mutantes pour HSPB1,
dans la sévérité du phénotype moteur.
Les souris P182L-HSPB1 obtiennent de
moins bons résultats à tous les tests mo-
teurs que les souris S135F-HSPB. Ces
observations correspondent au phéno-
type plus marqué de P182L-HSPB1 ­
tant chez les patients que dans les
cultures cellulaires. De manière géné-
rale, les deux souris mutantes pour le
gène HSPB1 reproduisent donc exacte-
ment le tableau clinique présenté par les
patients. Les souris S135F-HSPB1 pré-
sentent les symptômes d'une polynévrite
sensitivo-motrice (CMT2), tandis que les
souris P182L-HSPB1 développent une
neuropathie motrice (NMH distale).
La mutation de HSPB1 induit
des anomalies du transport
axonal
L'élaboration d'une stratégie thérapeu-
tique ciblée nécessite l'identification du
mécanisme pathogène à l'origine de la
maladie. Les modèles murins que nous
avons créés pour la CMT2 et la NMH
distale nous permettent de rechercher ce
mécanisme de manière ciblée. Les per-
turbations du transport axonal représen-
tant une caractéristique commune de
nombreuses maladies neurodégénéra-
tives (y compris de la CMT2 et de la
NMH distale), nous avons entrepris de
passer ce processus au crible (11). Par-
tant du constat que diverses protéines
associées à des gènes mutés inter-
viennent dans le transport axonal dans la
CMT2 et la NMH distale (12), nous
avons isolé des neurones prélevés chez
des souris adultes et les avons mis en
culture. Ces neurones ont été chargés
avec une substance perméable à la
membrane qui colore les mitochondries
de manière sélective. Dans les neurones
isolés à partir des souris symptomatiques
mutantes pour HSPB1, le transport des
mitochondries dans les axones s'est avé-
ré gravement perturbé. En outre, le trans-
port mitochondrial n'était pas perturbé
dans les neurones isolés à partir des sou-
ris pré-symptomatiques mutantes pour
HSPB1. Ces observations permettent de
conclure que les anomalies du transport
axonal coïncident avec l'apparition des
symptômes.
Le transport de cargos dans les axones
des neurones nécessite un ensemble
complexe de protéines (11). D'une part,
les cargos doivent être couplés aux pro-
téines motrices, qui régissent à leur tour
le transport par le biais des micro-
tubules. Les composants de base des
microtubules sont les tubulines. La tubu-
line peut subir diverses modifications,
notamment une glycosylation, une tyro-
sination/détyrosination et une acétyla-
tion/désacétylation (13). Cette dernière
modification a pour caractéristique
unique d'affecter la face luminale des
microtubules (13, 14). Par ailleurs, plu-
sieurs études ont montré que le statut
d'acétylation de la tubuline exerce un
effet sur le transport axonal (15).
Nous avons cherché à déterminer si les
anomalies du transport axonal sont im-
putables à une modification du statut
d'acétylation de la tubuline dans les
neurones des souris mutantes pour
HSPB1. Nous avons découvert que le
taux de tubuline acétylée relevé dans les
neurones isolés de souris mutantes pour
HSPB1 et symptomatiques est radicale-
ment réduit. En outre, les nerfs isolés à
partir de souris symptomatiques mu-
tantes pour le gène HSPB1 présentent
une même réduction des taux de tubu-
line acétylée. Ces résultats montrent que
la diminution de la tubuline acétylée est
à l'origine des anomalies observées dans
le transport axonal.
Les souris mutantes pour le
gène HSPB1 utilisées comme
outil pour le développement
d'un traitement
La recherche d'enzymes d'acétylation de
la tubuline est toujours en cours, mais
une série d'enzymes de désacétylation
est déjà connue. La principale enzyme
désacétylant la tubuline est l'histone dé-
sacétylase 6 (HDAC6), qui se lie à la tu-
buline avant de la désacétyler (16). Plu-
sieurs molécules qui inhibent de manière
spécifique ou aspécifique la fonction
désacétylante de la HDAC6 ont déjà été
décrites. Un des inhibiteurs aspécifiques
est la trichostatine A (TSA). Approuvée
par la FDA (Food & Drug Administration)
des États-Unis, elle est utilisée en asso-
ciation à la chimiothérapie dans le traite-
ment de différentes formes de cancer.
Un inhibiteur plus sélectif est la tubasta-
tine A (17). L'inhibition de la HDAC6 par
ces différentes molécules augmente
l'acétylation de la tubuline dans les neu-
rones isolés à partir de souris symptoma-
Les perturbations du transport
axonal représentant une
caractéristique commune
de nombreuses maladies
neurodégénératives
(y compris de la CMT2 et
de la NMH distale).
La principale enzyme
désacétylant la tubuline est
l'histone désacétylase 6
(HDAC6), qui se lie à la
tubuline avant de la
désacétyler.