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l
Neurone
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Vol 16
·
N°9
·
2011
Données épidémiologiques:
Des études contre placebo rapportent
une incidence quatre fois plus élevée de
dysfonctions sexuelles sous traitements
antidépresseurs (3,4). Cette incidence
varie suivant la méthodologie des études
et pourraient être largement sous-
évaluée lorsqu'elles n'utilisent pas d'in-
struments d'investigation spécifiques.
Plusieurs questionnaires existent, les
échelles les plus connues sont le Changes
in Sexual Functionning Questionnaire

(CSFQ) (5) et l'Arizona Sexual Expe-
rience Scale
(ASEX) (6). Ces question-
naires ont été relativement bien validés,
mais restent peu utilisés dans les études
ou en pratique clinique. Elles ont permis
de détecter des incidences bien plus éle-
vées que celles rapportées par les labo-
ratoires pharmaceutiques (2).
Seulement 14% des patients rapportent
spontanément des effets sexuels induits
par leur antidépresseur alors que 58%
reconnaissent souffrir d'un dysfonction-
nement sexuel lorsqu'ils sont interrogés
directement sur le sujet (7).
Ces effets secondaires sont invoqués une
fois sur deux par les patients pour expli-
quer une rupture thérapeutique (8).
La vie sexuelle satisfaisante est considé-
rée tout aussi importante par les patients
sous antidépresseurs que dans la popula-
tion générale (9).
Un dysfonctionnement sexuel est rap-
porté pour la majorité des antidépres-
seurs, mais certains produits induisent
moins de troubles sexuels que d'autres
(10).
Les tricycliques sont responsables d'une
incidence élevée de troubles sexuels.
Sont principalement rapportées des dys-
fonctions érectiles et orgasmiques (anor-
gasmie, anéjaculation). Les troubles de
la libido seraient moins fréquemment
observés avec l'imipramine qu'avec la
clomipramine. Les incidences varient de
30% pour l'imipramine à 93% pour la
clomipramine (11).
Sous inhibiteurs sélectifs de la recapture
de la sérotonine (ISRS), approximative-
ment 50% des patients rapportent des
troubles sexuels. Bien qu'aucune diffé-
rence ne soit clairement démontrée entre
les différents médicaments de cette
classe, il semble que la Paroxétine soit
responsable de plus d'effets secondaires
de ce type.
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture
de la sérotonine et de la noradrénaline
(ISRSNA) auraient un profil intermédiaire
d'induction de ces troubles avec une in-
cidence comprise entre 10% et 30%
(12).
Concernant les IMAO, la moclobémide
semble avoir peu d'effets négatifs sur la
sexualité (13) hormis sur l'érection et
augmenterait la libido chez certains pa-
tients. Les autres IMAO ont un effet délé-
tère sur la sexualité, avec une incidence
estimée entre 20% et 40%.
La miansérine, un tétracyclique, aurait
peu d'effets secondaires sexuels hormis
sur l'érection (14). La tianeptine, induc-
teur de la recapture de la sérotonine, a
fait preuve à travers plusieurs études
d'un respect de la fonction sexuelle (15).
L'agomélatine (Valdoxan®), antidépres-
seur récemment commercialisé, agoniste
au niveau des récepteurs mélatoniner-
giques (MT1 et MT2) et antagoniste des
récepteurs sérotoninergiques 5-HT2c,
n'induit pas de troubles de la fonction
sexuelle (16, 17).
Les troubles sexuels induits par les anti-
dépresseurs sont dose-dépendants et les
facteurs prédisposant seraient l'âge su-
périeur à 50 ans, les comorbidités psy-
chiatriques ou somatiques, les traite-
ments médicamenteux concomitants, le
tabagisme et l'occurrence de troubles
sexuels lors d'un précédent traitement
par les antidépresseurs (2). Ils touche-
raient plus fréquemment l'homme, bien
que les femmes rapportent généralement
une intensité plus grave des troubles (8).
Physiopathologie des troubles
sexuels induits par les
antidépresseurs
Le fonctionnement sexuel normal est un
système complexe très largement mé-
connu impliquant nombre de facteurs
psychologiques, interpersonnels, neuro-
logiques, vasculaires et hormonaux qui
seraient coordonnés par l'hypothalamus,
le système limbique et les centres corti-
caux. On reconnaît aujourd'hui l'impli-
cation de nombreux neurotransmetteurs,
parmi lesquels on peut citer la dopa-
mine, la sérotonine, la noradrénaline,
l'acétylcholine, l'ocytocine, l'arginine
vasopressine, l'angiotensine II, la sub-
stance P et le neuropeptide Y (8).
Ils interviennent différemment sur les
trois phases de la réponse sexuelle que
sont le désir (ou libido), l'excitation et
l'orgasme. A l'origine de l'insatisfaction,
on décrit principalement des diminu-
tions du désir sexuel, des diminutions de
l'excitation qui se traduisent objective-
Seulement 14% des patients rapportent spontanément des effets
sexuels induits par leur antidépresseur alors que 58%
reconnaissent souffrir d'un dysfonctionnement sexuel lorsqu'ils
sont interrogés.
Sous inhibiteurs sélectifs de
la recapture de la sérotonine
(ISRS), approximativement
50% des patients rapportent
des troubles sexuels.