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l
Neurone
·
Vol 16
·
N°9
·
2011
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déficit
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AlcooliSMe
chronique
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Il est donc désormais clairement établi que les sujets alcooliques présentent des
déficits émotionnels marqués, déficits qui ont une influence délétère sur les
relations interpersonnelles et qui sont par conséquent l'un des éléments majeurs
de l'isolement social souvent présent chez les patients alcooliques. Ces données
sont d'une importance cruciale, puisqu'elles ont permis une objectivation précise
des observations très fréquemment rapportées dans la pratique clinique, à savoir
la difficulté générale des sujets alcooliques à ressentir et à gérer leurs propres
émotions, mais également à interpréter et à réagir correctement à celles exprimées
par autrui, particulièrement la colère. L'objectif de remédier aux troubles de
gestion des affects nous apparaît primordial pour la vie quotidienne et les relations
sociales des patients, et donc pour leur réinsertion adéquate dans la société.
De nos jours, les neurosciences affectives attirent bon nombre de chercheurs. Les
objectifs de ce champ d'investigation sont larges, en ce qu'ils concernent l'établisse-
ment des bases neurales des processus affectifs et sociaux, aussi bien chez l'homme
que chez l'animal, et ce depuis leur développement pré-natal jusqu'à leur vieillisse-
ment normal ou à leur dysfonctionnement dû à un état clinique pathologique. Ces
travaux trouvent toute leur importance lorsqu'on considère qu'une incapacité à com-
muniquer adéquatement à autrui ses propres émotions et/ou à percevoir correcte-
ment les états internes d'autrui peut mener à d'importants problèmes personnels et
interpersonnels (1). Ainsi, des capacités faibles de décodage des émotions ont été
reliées à diverses conditions cliniques psychopathologiques telles que la dépression
(2), les troubles anxieux (3) et la schizophrénie (4). Mais qu'en est-il de ce déficit
émotionnel dans la dépendance à l'alcool?
Les effets néfastes d'une alcoolisation excessive (aigue ou chronique) ont de tous
temps été décrits, et des données toujours plus nombreuses démontrent ses consé-
quences aux plans personnel, social, cognitif, neurologique... Ainsi, par exemple,
l'alcoolisme chronique conduit à des troubles neurologiques et cérébraux connus de
longue date, notamment via la description de syndromes fréquemment observés chez
les sujets alcooliques. Par exemple, le syndrome de Wernicke-Korsakoff (5), lié à une
déficience en vitamine B1, est caractérisé par des lésions des régions frontales, des
corps mamillaires et de l'hippocampe (6) conduisant à des troubles marqués de la
mémoire rétrograde et antérograde.
Salvatore Campanella et
Paul Verbanck
Laboratoire de Psychologie Médicale,
CHU Brugmann, Bruxelles
N1665F_2011
Keywords:
affective neurosciences ­
chronic alcoholism ­ emotional
recognition ­ alexithymia ­
prosopagnosia ­ anger
Une incapacité à communiquer adéquatement à autrui ses
propres émotions et/ou à percevoir correctement les états
internes d'autrui peut mener à d'importants problèmes
personnels et interpersonnels.