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l
Neurone
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Vol 16
·
N°9
·
2011
lien entre la prière et la tolérance à la
douleur.
Afin de vérifier ces hypothèses, une
étude par questionnaire a été mise sur
pied en collaboration avec la Vlaamse
Pijnliga et `t Lichtpuntje. Des question-
naires ont été envoyés à des patients fai-
sant partie d'associations de patients. Ils
ont été sélectionnés de manière aléa-
toire. Ces questionnaires avaient trait à la
prière, aux aspects de la douleur et à
l'ampleur de la réinterprétation cognitive
(cognitive re-appraisal). L'échantillon
final était constitué de 202 patients
algiques chroniques, dont les douleurs
remontaient à au moins 6 mois. L'échan-
tillon se composait en grande partie de
femmes (71%), dont l'âge moyen était de
52 ans et qui présentaient différents ni-
veaux d'instruction. Comme prévu, la
plupart des patients se sont dits croyants:
catholiques (32%), chrétiens (26%),
croyants sans affiliation (20%), autres
(5%). Les non-croyants (athées: 13%) et
les agnostiques (4%) étaient en minorité.
En ce qui concerne les mesures de la
douleur, les questions concernaient tant
la durée et la sévérité de la douleur que
la tolérance à celle-ci. Au sujet de la to-
lérance à la douleur (Disability Scale;
Chronic Pain Grade Questionnaire
, 15),
l'étude a examiné dans quelle mesure la
douleur avait un impact sur les divers
aspects du fonctionnement quotidien du
patient, notamment sa vie profession-
nelle, sociale et familiale. Exemple: «La
douleur ne m'empêchait pas de faire
mon travail/le ménage.» Les patients de-
vaient indiquer s'ils étaient d'accord ou
non avec l'affirmation, sur une échelle
de un à cinq (de «pas du tout d'accord»
à «tout à fait d'accord»). Pour mesurer la
réinterprétation cognitive (Reinterpreta-
tion and Growth Scale
, 16), nous avons
évalué la possibilité pour le patient de
réinterpréter positivement la douleur.
Exemple: «La douleur m'a beaucoup
appris.» Le patient devait répondre sur
une échelle de un à cinq (de «jamais» à
«très souvent»).
Les analyses (Figure 1) font état d'une
corrélation particulièrement positive
entre la prière et la tolérance à la dou-
leur (c2) et entre la prière et la réinterpré-
tation cognitive (a). Par contre, il n'y a
aucun lien entre la prière et la sévérité
ou l'intensité de la douleur (c1). En outre,
il s'avère que la réinterprétation cogni-
tive n'est pas liée à la sévérité de la dou-
leur (b1), mais bien à la tolérance à la
douleur (b2). Une analyse médiation-
nelle a été réalisée pour vérifier que la
réinterprétation cognitive était bien le
mécanisme sous-jacent du rapport entre
la prière et la tolérance à la douleur
(Figure 1).
Les résultats démontrent que le rapport
entre la prière et la tolérance à la dou-
leur passe effectivement par la réinter-
prétation cognitive de la situation de
douleur. Cela semble indiquer que la
prière fait office de technique de réinter-
prétation cognitive chez le patient al-
gique chronique. La réinterprétation po-
sitive de la douleur sur la base d'une
spiritualité religieuse permet au patient
d'atténuer l'impact de la douleur sur son
quotidien. Nous supposons donc qu'en
priant, le patient algique reformule la
situation de douleur dans des termes
plus positifs et plus significatifs, ce qui
favorise son accoutumance.
Nous avons effectué des analyses com-
plémentaires pour vérifier si la religiosité
du patient avait un effet sur les résultats
obtenus. Ces analyses ont nuancé nos
premiers résultats et démontré que le
rapport entre, d'une part, la prière et
l'intensité de la douleur (Figure 2) et,
d'autre part, la prière et la tolérance à la
douleur (Figure 3) dépendait du degré de
religiosité du patient.
Les résultats semblent indiquer qu'il n'y
a que chez les patients croyants qu'un
degré plus élevé de prière est lié, d'une
part, à une moindre intensité de la dou-
leur et, d'autre part, à une plus grande
tolérance à la douleur, alors que ce n'est
pas le cas chez les patients non-croyants.
Cela voudrait dire que la prière pourrait
être un aspect précieux de la gestion de
la douleur, mais uniquement chez les
patients croyants. En d'autres termes,
pour constituer une technique de coping
positive, la prière doit être incluse dans
la spiritualité religieuse du patient. Cette
conclusion s'inscrit dans le droit fil de
précédentes études flamandes, qui ont
démontré qu'une spiritualité fondamen-
talement religieuse était susceptible d'at-
ténuer l'impact négatif de la douleur sur
la joie de vivre des patients (8). Cette
étude a révélé qu'il n'y avait pas de lien
négatif entre la douleur et la joie de vivre
chez les patients qui considèrent leur
spiritualité comme un élément essentiel
et fondamental de leur existence. La joie
de vivre de ces patients ne pâtissait pas
de la douleur constante. Chez les pa-
tients algiques qui accordent une place
plus insignifiante à la spiritualité, on a
constaté, comme attendu, un lien négatif
entre la sévérité de la douleur et la joie
de vivre. Nous pourrions donc affirmer
que, pour un patient croyant, une spiri-
tualité religieuse personnelle offre une
ressource où puiser la force de faire face
à la douleur. La prière peut être un
moyen émanant de sa spiritualité. La
prière permet alors au patient de réinter-
préter sa douleur sur la base de sa spiri-
tualité religieuse personnelle. Cette
dernière peut fixer un cadre propice à la
conversion de la perception négative de
la douleur en une perception plus posi-
tive et plus ouverte. Cela peut s'accom-
pagner d'un regain d'optimisme et
d'espoir, d'un sentiment plus fort d'une
vie cohérente et pleine de sens et de
la possibilité de se fixer à nouveau des
objectifs et de faire des projets d'avenir.
Autant d'éléments qui contribuent à
l'amélioration de la qualité de vie du
patient, en dépit de la douleur.
Conclusion
Si cette étude a fourni des résultats no-
tables, nous devons tout de même tenir