background image
341
l
Neurone
·
Vol 16
·
N°9
·
2011
considéré comme plus sûr que les barbi-
turiques généralement utilisés. Son utili-
sation pour prévenir les vomissements
induits par la grossesse a mis en lumière
la tératogénicité sévère du thalidomide,
qui a fait plus de 10.000 victimes dans le
monde. Une catastrophe encore pire a
pu être évitée du fait que la Food and
Drug Administration
(FDA) n'avait ja-
mais accordé d'autorisation à la mise du
thalidomide sur le marché américain. Ce
que beaucoup ignorent, c'est que la mo-
tivation à cette absence d'autorisation
n'était pas la suspicion d'une tératogéni-
cité, mais bien l'association de plus en
plus nette entre la prise chronique de
thalidomide et la survenue d'une NP.
Plus de 20 ans plus tard, le thalidomide
a de nouveau été utilisé pour un certain
nombre d'indications rares, dont
l'érythème noueux lépreux. La remise à
l'honneur du thalidomide est intervenue
au tournant du siècle, lorsque l'on a dé-
montré son efficacité dans le myélome
multiple. Malgré l'activité du thalido-
mide, tant dans le myélome multiple en
rechute (3) que chez des patients nouvel-
lement diagnostiqués (15-17), la NP s'est
avérée être le principal effet indésirable
non hématologique et dose-limitant. La
NPiT se présente comme une NP senso-
rielle, autonome ou, plus rarement, mo-
trice. Les troubles de la sensibilité se
manifestent sous la forme de paresthé-
sies et d'hypoesthésies distales, digitales,
symétriques et ascendantes. La NPiT est
rarement douloureuse, ce qui constitue
une différence importante avec la NPiB.
Une NP motrice n'est pas si rare et se
manifeste alors souvent sous la forme
d'un tremblement. Une constipation, un
effet indésirable qui se produit très rapi-
dement chez la majorité des patients
après le début d'un traitement par thali-
domide, est également mise en rapport
avec la NP. D'autres symptômes de la
NP autonome induits par le thalidomide,
souvent méconnus, sont l'impuissance
et la bradycardie (18).
La pathogenèse exacte de la NPiT reste
peu claire, surtout parce que le thalido-
mide est dégradé en plusieurs métabo-
lites. Quel que soit le mécanisme sous-
jacent, le dommage se produit surtout au
niveau de la corne postérieure et de
l'axone, les petites branches nerveuses
restant relativement épargnées (19). Les
deux principaux facteurs de risque pour
la NPiT sont la dose de thalidomide et la
durée du traitement. La tolérance de
doses supérieures à 200mg/j, telles que
celles utilisées dans les premières études,
est mauvaise, surtout en raison des effets
sédatifs importants et de la survenue
rapide d'une NP.
Une étude systématique de la littérature
de toutes les études de phase II publiées,
réalisées pendant les cinq premières
années d'utilisation du thalidomide dans
le myélome multiple en rechute et
réfractaire, a rapporté pour la NP une
incidence d'environ 35%, avec des pour-
centages souvent inacceptablement éle-
vés de NP sévère dans un certain nombre
d'études (20). Outre la dose, la durée du
traitement est également un important
facteur de risque pour le développement
d'une NPiT. L'incidence double entre
6 et 12 mois de traitement (14).
Actuellement, le thalidomide est utilisé
en cas de récidive du myélome multiple.
Le médicament est également administré
comme traitement de première ligne chez
les candidats à la transplantation traités
avec un schéma à base de thalidomide et
de dexaméthasone (21), auquel on ajoute
éventuellement encore une chimiothéra-
pie telle que le cyclophosphamide. Le
thalidomide est également utilisé en com-
binaison avec le melphalan et la predni-
sone (le schéma MPT) chez les patients
âgés qui n'entrent plus en ligne de compte
pour une autogreffe (16, 17).
Dans toutes ces indications, mais aussi
lorsque le thalidomide est donné comme
traitement d'entretien après une auto-
greffe (22), le consensus général est de
ne pas administrer de doses supérieures
à 200mg/j. La durée totale du traitement
dépassera rarement les 12 mois. En effet,
contrairement à la NPiB, la NPiT n'est
pas réversible chez la toute grande majo-
rité des patients. Il est dès lors très impor-
tant de réduire rapidement la dose de
thalidomide en cas de NP légère ou d'ar-
rêter définitivement le traitement en cas
de NP plus sévère (Tableau 1).
Neuropathie périphérique in-
duite par le bortézomib (NPiB)
Alors que la dose et la durée de traitement
varient fortement dans les différentes
études cliniques réalisées avec le thalido-
Gradation CTC Mesure concernant le thalidomide
Grade 1
Réduction de 50% de la dose
Grade 2
Arrêt du thalidomide. En cas de résolution jusqu'à
grade 1: recommencer avec 50%
Grades 3 et 4
Arrêt définitif du thalidomide
Si une NP sensorielle est associée à une douleur neuropathique, le score CTC
est augmenté de 1 niveau.
Tableau 1: Directives de consensus européennes pour l'adaptation de la dose en cas de
neuropathie périphérique induite par le thalidomide (9).
La tolérance de doses
supérieures à 200mg/j, telles
que celles utilisées dans les
premières études, est
mauvaise, surtout en raison
des effets sédatifs importants
et de la survenue rapide
d'une NP.