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Neurone
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Vol 16
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N°9
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2011
une telle chose (5). Par contre, d'autres
patients trouvent justement du réconfort
et du courage dans leur foi. Des études
démontrent en effet que la religion joue
un rôle important dans la vie des patients
atteints de douleurs chroniques, tant en
Europe (6) qu'aux Etats-Unis (7). Un
constat confirmé par l'étude que nous
avons menée en Flandre en collabora-
tion avec la Vlaamse Pijnliga et `t Licht-
puntje (8). Contrairement aux Etats-Unis,
où l'assistance au culte et l'engagement
vis-à-vis de l'Eglise restent très forts, les
régions sécularisées telles que la Flandre
assistent à une perte de terrain des as-
pects organisationnels de la religion (9).
Mais, bien que l'influence de la religion
sur le quotidien des Flamands et l'assis-
tance au culte aient fortement diminué,
le pourcentage d'athées et de non-
croyants ne connaît pas une croissance
particulièrement marquée. Beaucoup
continuent de croire en un Dieu, même
si leur vision de «Dieu» n'est pas tou-
jours claire (10). Les sociologues des
religions parlent de «believing without
belonging», une attitude de plus en plus
répandue en Europe occidentale. Cette
attitude consiste à encore privilégier la
transcendance dans sa spiritualité (et
donc croire qu'il y a autre chose que
l'immanent) sans toutefois s'attacher à
une Eglise ou à une tradition religieuse
spécifique. La spiritualité est interprétée
de manière personnelle mais toujours
croyante. Dans ce contexte, les activités
religieuses personnelles (prière ou médi-
tation) s'avèrent plus importantes que les
activités liées à l'Eglise (assistance au
culte).
Il ressort de la littérature que la prière en
tant qu'activité religieuse personnelle est
souvent citée comme un aspect impor-
tant dans la gestion des événements ac-
cablants et des agents stressants (11).
Certains auteurs affirment même que le
recours à la prière intervient principale-
ment quand il s'agit de problèmes chro-
niques graves, lorsque les mesures ou
interventions antérieures ont échoué
(12). Il semble que les patients se
tournent vers la prière quand ils ont l'im-
pression d'avoir épuisé tous les autres
recours et que la situation paraît déses-
pérée. Etant donné que la douleur chro-
nique constitue une situation sévère et
prolongée, à laquelle les traitements
médicaux n'offrent pas souvent la solu-
tion souhaitée, nous pouvons nous de-
mander si la prière pourrait se révéler
précieuse dans la gestion de la douleur.
D'un point de vue théorique, nous pou-
vons étudier le rôle de la religion (et plus
particulièrement de la prière) dans la
gestion de la douleur en partant de la
théorie transactionnelle du stress et du
coping (3). Ce modèle suppose que l'ac-
coutumance à un agent stressant, par
exemple une douleur chronique, est dé-
terminée par les processus de coping
(ajustement) mis en place par le patient
après qu'il a été confronté à l'agent stres-
sant. Il se concentre, d'une part, sur
l'évaluation cognitive de l'agent stres-
sant par le patient et, d'autre part, sur les
stratégies de coping utilisées par le pa-
tient après évaluation de la situation de
stress. L'évaluation cognitive s'effectue
Prière
Prière
Réinterprétation
Cognitive
Positive
Réinterprétation
Cognitive
Positive
Intensité de la douleur
Tolérance à la douleur
C
1
( =
-0,01, ns
)
C
2
( =
0,15, p < 0,05
)
a
b
1
a ( =
0,33, p < 0,001
)
b
2
( =
0,44, p < 0,001
)
Figure 1: La réinterprétation cognitive en tant que mécanisme sous-jacent du rapport entre la religion et la tolérance à la douleur.