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l
Neurone
·
Vol 16
·
N°9
·
2011
en deux temps. Tout d'abord, l'individu
évalue l'agent stressant (primary apprai-
sal
): s'agit-il d'une situation menaçante,
dommageable ou plutôt d'une opportu-
nité? Ensuite, il évalue les ressources
dont il dispose pour y faire face et décide
de la marche à suivre (secondary apprai-
sal
). C'est alors qu'interviennent les stra-
tégies de coping.
Dans le cadre de ce modèle, la religion
et la spiritualité peuvent jouer un double
rôle. La religion peut permettre d'ajuster
la première évaluation de la situation de
stress, car elle fixe un cadre pour réinter-
préter la situation en question. La spiri-
tualité, religieuse ou non, peut permettre
au patient de réévaluer le caractère me-
naçant de la situation douloureuse et de
réinterpréter la signification de la dou-
leur en y voyant une chance ou une
opportunité. Ainsi, un patient peut envi-
sager la situation de douleur comme une
occasion d'évoluer sur le plan personnel
et spirituel ou encore comme faisant par-
tie d'un projet divin. Il peut aussi y voir
une occasion de se fixer d'autres priori-
tés dans la vie. En ce qui concerne la
seconde évaluation, soit l'inventaire des
ressources, la spiritualité, religieuse ou
non, peut fournir des outils supplémen-
taires pour faire face à la douleur: prière,
méditation, soutien d'une créature di-
vine qui rend la douleur moins difficile à
supporter. Il est donc raisonnable de
penser que cette réinterprétation de la
douleur, à la lumière d'une spiritualité,
religieuse ou non, peut influencer le res-
senti de la douleur.
La prière et la douleur
Concentrons-nous spécifiquement sur la
prière. Dans le cadre du modèle du
stress et du coping, la prière peut être
perçue comme une forme de coping
psychosocial mettant en scène une ré-
interprétation cognitive de la douleur.
Elle délimite un cadre (dans l'espace et
le temps) au sein duquel le patient peut
réévaluer la douleur de manière active
en se basant sur sa spiritualité. Ainsi, le
patient pourrait réinterpréter positive-
ment le caractère négatif et menaçant de
la douleur en y voyant une occasion ou
une chance.
Il nous semble toutefois important de
distinguer différents aspects de la dou-
leur. Les études existantes sont avant tout
axées sur l'intensité ou la sévérité de la
douleur. Or, la tolérance à la douleur
constitue elle aussi un élément impor-
tant, surtout d'un point de vue psycholo-
gique (14). On peut imaginer des pa-
tients faisant état d'une même intensité,
sans pour autant afficher la même tolé-
rance. L'impact de la douleur sur le fonc-
tionnement du patient sera alors diffé-
rent, même si le degré de douleur est
identique. Nous pouvons supposer que
la réinterprétation de la douleur aura
essentiellement un effet sur la tolérance
à la douleur et, dès lors, sur l'impact de
cette douleur sur la vie du patient. Sur la
base du cadre théorique relatif au stress
et au coping, nous pensons que la prière
sera liée à la tolérance à la douleur, mais
pas nécessairement à son intensité. A cet
égard, nous présumons que la réinter-
prétation cognitive est le mécanisme
sous-jacent du rapport entre la prière et
la tolérance à la douleur. En d'autres
termes, c'est la réinterprétation positive
de la situation de douleur qui crée un
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4
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3
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1
I
n
t
ensit
é de la douleur
Faible degré de prière
Degré élevé de prière
Croyant
Non-croyant
Figure 2: Effet modérateur de la religiosité dans le rapport entre la prière et l'intensité
de la douleur.
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4
T
olér
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e à la douleur
Faible degré de prière
Degré élevé de prière
Croyant
Non-croyant
Figure 3: Effet modérateur de la religiosité dans le rapport entre la prière et la tolérance
à la douleur.